Assise à la table des Serpentards avec les autres septièmes années, Atropos s'était débrouillée pour mettre en place un sort de têtenbulle invisible, histoire qu'elle n'ait pas à prêter l'oreille aux sarcasmes et moqueries de ses camarades ignares, incultes et obsédés. Aussi, elle semblait assez stoïque à travers toute l'agitation qui régnait dans la salle. Elle mâchouillait un crayon à papier avec lequel parfois elle vérifiait qu'elle se souvenait de l'alphabet runique en le notant sur la nappe, et n'avait pas encore ouvert la lettre qui lui était tombée devant les yeux. C'est qu'elle était concentrée. Après Hagalaz, il y avait quoi déjà ? Hum, elle séchait sur ce coup-là. Elle s'apprêtait donc à demander à Crystal, juste à côté d'elle, histoire de pouvoir discuter avec quelqu'un de civilisé. Or, à partir du moment où elle eut désactivé le sort de têtenbulle sonore, le vacarme lui attaqua les tympans si bien qu'elle en lâcha son crayon qui roula sous la table. Et puisque le directeur venait de gueuler pour obtenir le silence, elle profita de ce moment de calme pour passer sous la table (et essuyer un commentaire désobligeant d'un emmerdeur deux places plus loin à droite) et en ressortir une minute plus tard à peine, son crayon dans la main, l'air victorieuse. Quoi, elle était comme elle était. Et reposant son crayon à plat sur la table, elle se tourna vers Crystal, totalement désintéressée par ce que pouvait dire le directeur (elle n'avait pas entendu le début de son explication, elle ne pouvait donc logiquement rien comprendre, sauf s'il se répétait !). Sauf qu'à ce moment-là, le directeur prononça les mots qui firent se couvrir de mets fumants les tables des quatre maisons. L'attention d'Atropos envers les runes fut détournée un instant, et alors qu'elle reprenait enfin ses esprits (c'est que cette tarte à la citrouille lui avait fait les yeux doux, vous savez !), l'enfer se déchaîna.

Oui, oui, carrément l'enfer. Attendez, on a beau être à Poudlard, les citrouilles n'explosent pas normalement. Pas plus que les vitraux, notez. Atropos s'était levée d'un coup. Après tout, c'était logique, les Serpentards n'étaient pas censés être les plus courageux, vous leur accorderez quand même bien ça. Les runes avaient été relayées au fin fond de son cerveau, mais Atropos se concentra pour y repenser maintenant, là, tout de suite, et se concentrer dessus comme si sa vie en dépendait. Parce que la peur qui grandissait en elle, là, cette peur insipide qui prend aux tripes et dont on ne peut pas se défaire tout seule, bah il fallait qu'elle s'en débarrasse. Alors elle récitait mentalement de nouveau les runes. Fehu, Ūruz, Þurisaz, Ansuz, Raidō, Kaunan, Gebō, Wunjō, Hagalaz… Merlin, elle bloquait encore au même endroit ! Et avec les cris des élèves, ça n'aidait pas à se concentrer. Debout, elle était au départ adossée au mur, mais en avait été tirée brusquement par quelqu'un lorsque les flammes étaient venues lécher ce même mur. Alors elle recommençait à réciter les runes : Fehu, Uruz, Þurisaz, Ansuz, Raidō, Kaunan, Gebō, Wunjō, Hagalaz… Naudiz voilà celui qui lui manquait tout à l'heure ! Īsaz, Jēra, Eihwaz, Perþō, Algiz, Sōwilō, Tiwaz, Berkanan, Ehwaz… Et voilà, re-blocage ici. Elle se rendit compte de là où elle était, remarquez. À présent, elle se trouvait au centre de la Grande Salle, avec d'autres camarades de Serpentard, dont les petits malins de tout à l'heure qui n'avaient plus du tout envie de se foutre d'elle, remarquez. Utiles parfois ces catastrophes. Enfin, pas quand un cadavre brûlait en lévitant, ni quand une gueule de lion enflammée frôlait le groupe d'élèves.
Sauf que, notez bien, Atropos n'était pas téméraire. Alors elle n'allait pas sortir sa baguette et essayer de sauver sa peau. Non non, elle continuait de chercher à se remémorer les runes qu'elle connaissait… Une voix retentit alors, la glaçant jusqu'aux os : « Vous brûlerez ! Vous brûlerez tous ! » Puis une explosion des vitres, des cris à lui en vriller les tympans et puis… plus rien. Plus rien ?

Recroquevillée sur elle-même, Atropos se releva d'un coup et observa autour d'elle. Comment ça plus rien ? Depuis quand, plus rien ? Observant les tables, elle constata que, oui, en effet, plus rien du tout, même pas de victuailles. Bon sang qu'est-ce qu'il s'était passé ? Tournant la tête vers certains de ses camarades de classe, elle demanda sans vraiment adresser la parole à quelqu'un de précis :

« ATROPOS : Par le cul des trolls, c'était quoi ça ? »